Seule en scène, Ibra raconte son parcours intime et singulier, sans cesse percuté par l’héritage millénaire dont elle est la dépositaire. De l’aveuglement à la révélation, des débuts de son enquête minutieuse jusqu’à l’accomplissement de sa métamorphose, la jeune femme nous entraîne avec elle par la parole.
Ses mots ne dessinent pas un mouvement narratif à sens unique. Bien au contraire, Ibra nous embarque dans son espace mental, où les temporalités se confondent, où l’Immense et l’Infime se télescopent, où la Grande et la petite histoire ne cessent de s’enchevêtrer. Ibra a grandi dans un milieu où l’expression des émotions et des histoires n’est pas censurée. On y passe du rire aux larmes, en un rien de temps. À partir de l’élément déclencheur qu’est sa découverte du tableau du Caravage, le langage d’Ibra apparaît comme un véritable « stream of conciousness », un flux cognitif, équivalent aux mouvements successifs de sa pensée.
L’expression de sa liberté passera également par la voix chantée. Elle fredonnera des airs méditerranéens, improvisera sur base de chants et litanies ancestraux.
Mais Ibra n’est pas faite que de mots. Évoluant dans un environnement particulièrement tactile, elle est avant tout un corps. Sa foi passe par son corps, tout comme son mouvement de contestation. Comme c’est le cas pour les autres femmes de sa famille, la corporalité d’Ibra est multiple. Il y a son corps privé (fièrement assumé aux mouvements rythmiques et chaloupés. Tantôt langoureux et nonchalant, tantôt dynamique et bien ancré) et son corps social (droit mécanique, s’exprimant le moins possible). Il y a la gestuelle solennelle des rituels qu’elle accomplit, mais aussi son corps érotique, pris dans l’apprentissage de sa propre sensualité. Il y a, par exemple, une vraie sensualité qui se dégage de ses ablutions quotidiennes. Ce geste, tant de fois répété jusqu’à devenir quasi- automatique, dégage une forme d’érotisme, précisément en raison de son caractère mécanique.
La métamorphose d’Ibra est aussi une transformation profonde de son corps. L’espace de la scène, en tant qu’espace de jeu et de parole, est également pour elle un territoire protégé, où elle peut déployer une grande liberté dans ses mouvements. Cette liberté peut aller jusqu’à la danse, exutoire, salvatrice, libératrice. Dans la famille dans laquelle Ibra a grandi, les enfants apprennent à danser et à battre le rythme avant de savoir marcher. À ce titre, le spectacle inclura notamment des passages chorégraphiques, à partir d’une série de mouvements du quotidien, répétés et ritualisés.
Nota Bene : Pour l’interprétation de ce rôle, Réhab Mehal sera particulièrement attentive à la créativité des candidates. Des compétences en chant et en danse, ainsi que l’humour et l’audace sont les bienvenus