Avant tout, une histoire…
Parce que je crois à la force des histoires. Elles n’ont plus trop la cote dans le milieu théâtral contemporain, peut-être. Mais il reste que les enfants (et moi) entretenons avec elles une relation magique – pardon pour le mot un peu facile – une relation importante, fondatrice. J’ai pu le constater tout au long de mon travail, mais aussi dans ma vie privée.
Parce que je suis un auteur qui aime construire des histoires, des personnages, des relations humaines. Théâtraliser un moment de vie d’où les protagonistes sortent bousculés.
…Ou plutôt les histoires…
« Qui c’est lui ? » verra trois histoires se croiser et s’alimenter l’une l’autre :
– Celle qui donnera à découvrir le « combat » de Cindy pour gagner l’amitié de Nelle.
– Celle qui racontera la rupture d’un tabou avec la rencontre des deux filles et de Monsieur : un long silence brisé.
– Celle qui verra se confronter enfants et adultes à propos de Béchir, un gamin MENA qui débarquera dans ce petit monde. Les enjeux divers et individuels se croiseront pour former un enjeu social : jusqu’où doit-on obéir, se conformer ?
Dans un espace:
L’histoire se situe dans un quartier en banlieue d’une ville. Un quartier investi depuis sa création par une « classe moyenne », des petits propriétaires. Un quartier où tous les habitants se connaissent, s’observent, se contiennent dans de mêmes habitudes à quelques exceptions près. Là où la venue d’un nouvel arrivant ou le comportement hors norme font tache, suscitent la méfiance avant même les premiers contacts. Là où les clichés, réels ou inventés, ont la vie dure. Là où les nouvelles mixités sociales ont du mal à s’installer.
Quatre personnages :
Cindy : Au moment des faits, elle a 12 ans. Elle vit dans le quartier depuis sa naissance. Elle a adopté ses habitudes et semble s’en accommoder.
Nelle : 12 ans, elle aussi. Nelle a grandi en ville. Elle est nouvelle dans le quartier. Depuis la séparation de ses parents, sa mère est revenue avec elle vivre chez Malou, la grand-mère. Le changement d’habitude est brutal. Nelle se sent à l’étroit et s’ennuie de la monotonie du quotidien.
Monsieur : Il a 60 ans. Il habite le quartier depuis une vingtaine d’années mais il reste aux yeux des autochtones l’étranger. Il a dû fuir la Russie après avoir réalisé des films considérés
comme outils d’agitation anti-gouvernementaux (au sujet de Tchernobyl et de ses conséquences).
Gamin (Béchir) : Il paraît 14 ou 15 ans. Il est MENA récemment arrivé en Belgique. Il a été enrôlé dans un atelier clandestin d’où il a réussi à s’évader. D’abord repéré par Nelle, il a trouvé refuge chez Monsieur. On peut dire qu’il s’y est « retrouvé » et que Monsieur l’a hébergé, poussé par les circonstances.
Deux temps : Le moment des faits/ le moment de la narration
Depuis sa rencontre avec Gamin, Nelle, rejointe par Cindy, brûle de raconter cette histoire. Mais elles ont dû la tenir secrète trop longtemps à leur goût. Aujourd’hui, c’est permis, elles ne laisseront ce plaisir à personne d’autre. D’autant que leur point de vue s’est largement modifié : hier, elles l’envisageaient comme l’exploit qui ferait d’elles des héroïnes aux yeux des copains, aujourd’hui elles veulent donner à voir la mesure inacceptable de cette aventure. Pourtant, cela reste un jeu et elles s’en réjouissent. Dans la foulée, emportées peut-être, elles abandonnent la narration et leurs commentaires pour rejouer les faits.