« tout corps assigné prend feu, un feu qui n’a rien de la tendresse
dans un pays qui n’a rien de baisable, moi je veux brûler
d’un soleil intérieur, je veux me donner naissance tout e seul e »
BLEU NUIT, BLOUSON ROSE, c’est une affaire de premières fois. journal du désir (tatoué sur l’avant-bras), de soi aussi (tentative), et récit* de métamorphose s : il fait la chronique d’un grand amour qui transforme tout, jusqu’à sa fin, et raconte, dans une narration très libre (pleine de voix et de possibles), la transition (l’adolescence) de deux être aux genres fluides et aux fantasmes en fleur s (politiques).
c’est également mon premier livre publié (en solo). en l’écrivant, j’ai été saisi par sa vitesse et sa matérialité, dans les corps, dans les images, dans la langue, il m’imposait une « physicalité » sensitive, qui, à force de le lire en public, de l’éprouver dans l’espace-temps, de le voir reçu par d’autres, a pris un sens très clair : c’est un texte qui veut vivre hors de lui-même, encore plus libre, plus présent : il demande à être mis en scène.
ce geste aussi sera une première fois, je ne suis pas dramaturge, cette pratique-là je ne la sais pas. vous, oui. j’arrive à vous avec l’écriture, le poème, et une certaine pratique du corps qui performe. j’écoute, et je suis curieux de l’échange que nous allons créer, travail de recherches qui s’invente en collectif. la rencontre de ces deux mondes ou genres pose une multitude de questions — à la fois de traduction, de translation et de perception : comment représenter le désir, quand il se découvre, s’enroule sur lui-même ou explose en plein le ciel ? et la fin ? comment incarner au plateau des identités mouvantes, qui choisissent de rester fluides, des corps qui bougent sans cesse, et des portraits en creux, devinés à partir de l’autre ? comment machiner la multiplication des voix (réelles ou fantômes) présentes dans un texte ? comment restituer une langue qui avance par fragments et par correspondances, dans ses silences aussi, qui va vite et lentement tout en même temps dans sa manière d’encercler ses obsessions ? comment faire entendre tout ce qui est caché dans un texte (le réseau de lectures, de clins d’œil, de lignes effacées, qui le sous-tend) ? comment transmettre une écriture et ses choix formels, son empreinte ?
ce workshop se construira donc à partir du livre comme énigme à approcher, comme chasse aux trésors et comme territoire à explorer, ensemble. orienté par un éthos et un eros queers, c’est un workshop performatif, qui portera une attention particulière aux corps, aux atmosphères, et à la qualité de (notre) présence. avec un angle, une obsession (ou deux) : l’adolescence et la première fois. ici rencontréx comme des espaces-temps diffus et qui se répètent tout au long de l’existence, comme des clichés qu’on (ré)investit singulièrement, comme des personnages troubles troublants, comme cette énergie de passage – peut-être chaotique, ultra vivante, dévastatrice – qui prépare les métamorphoses. et comme la possibilité d’un récit, aussi, où l’intime serait agité par un désir de r é v olution. nous allons ainsi mettre en jeu (au plateau) le texte, mais aussi ce qu’il nous fait. pour cela, nous mettrons en commun nos outils et nos intuitions. nous puiserons pleinement dans l’été (recommencé), dans nos souvenirs (archives, fantasmes ou futurs, qu’ils nous appartiennent ou pas), et dans nos sensations. feel the feelings, ah…
ces quatre jours commenceront par un rituel d’arpentage, pour identifier les lignes, zoomer, découper, extraire les zones à défendre (transformer). on se penchera sur le livre, et sur d’autres sources inspirantes. on constituera des moodboards (ou des herbiers), et on analysera des extraits de films pièces œuvres visuelles aiméx.
il y aura des temps d’écriture, de pratiques somatiques, et des moments de jeu x. des exercices performatifs vous serons donnés. et nous nous offrirons au moins une escapade en extérieur (des lieux de drague, une récolte, du vent dans les arbres). on discutera architecture, cruising, et slow (c’est-à-dire de lumière, de son, de signes et d’intention.) on travaillera seul e, en équipe et en groupes. 1 2, 1 2, test test, on va vivre ensemble l’expérience d’une première fois, et produire un premier essai d’incarnation du texte.
quelle créature va-t-on rencontrer ? evil twin, sosie bizarre, miroir inversé, inconnue ? c’est certain, elle sera radicalement tendre et tendrement queer. puis on peut sûrement imaginer qu’il y aura des expérimentations, quelques deuils (kill your darlings), et (espérons-le) beaucoup d’excitation.