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Brûler

Jorge León

En bref

Rencontre avec Jorge León pour un poste d’assistant.e à la mise en scène

Brûler

la parole 

Dans ce projet, l’étroite collaboration artistique entamée avec la soprano afro-américaine Claron McFadden pour le film et la pièce Mitra (que j’ai réalisés en 2018) s’approfondit. Claron donnera voix parlée et chantée à Lucy, et convoquera la fiction en imaginant celle que les Ethiopiens appellent Dinknesh – “tu es merveilleuse” – dans le monde d’aujourd’hui : qu’en dirait-elle ? qui serait-elle ? 

Les questions suscitées par cette lointaine ancêtre, liées aux origines de notre humanité, occupent Claron intimement et la renvoient à ses propres origines mais aussi aux questions existentielles qui la traversent en tant que femme, artiste, noire, et les inscrit dans une généalogie sociale et politique qu’elle partage avec des millions d’autres femmes.

Ces éléments constitueront le terreau du texte original que l’écrivaine Caroline Lamarche élaborera en complicité avec Claron McFadden au fil de l’évolution du travail de mise en scène. 

 

le chant, la musique

Le chant s’invitera de façon évidente grâce à la présence de Claron McFadden dont les étapes importantes de sa vie sont souvent liées à des chants et musiques particulier.es. Le registre musical sera donc très large et s’étendra du gospel à la musique pop en passant par Bach et Monteverdi. Afin de prendre en charge la dimension éclectique du spectre musical et sonore convoqué par la pièce , nous travaillerons avec l’artiste DJ Rokia Bamba. Rokia nous accompagnera tout au long du processus de répétitions, créera un environnement sonore singulier tout en s’offrant à tout moment la possibilité de solliciter ses talents de DJ en servant des sets spécifiques – par exemple avec la musique pop, en référence aux  archéologues qui ont choisi le prénom Lucy parce qu’ils écoutaient à la radio la chanson des Beatles Lucy in the Sky with Diamonds.

 

l’image

Le cinéma, les images animées occuperont une place importante sur le plateau.

Une longue période de résidence au CIRVA (Centre International de Recherche sur le Verre et les Arts plastiques) m’a permis de travailler à la reproduction du squelette de Lucy en verre. Une étroite collaboration avec les maîtres verriers a donné lieu à la création de pièces à connotations anthropomorphiques qui se retrouveront sur le plateau ainsi que le squelette de Lucy reproduit en verre, à l’identique. Ce processus de travail a été filmé en détail. Ces images trouveront leur place sur scène. L’enjeu de cette reproduction du squelette de Lucy en verre réside dans un souhait de déplacer cette icône du champ purement archéologique/scientifique et de l’amener vers le champ artistique.  La fragilité du verre, sa transparence mais aussi sa solidité, son aspect tranchant et sa possible opacité sont des éléments que je désire aborder comme autant de métaphores de notre monde. Un monde dont certains louent la transparence alors qu’il me semble être de plus en plus opaque. Un monde fragile malgré la tentative parfois désespérée de nous prouver exactement le contraire.

Les images des fournaises du CIRVA métaphorisent aussi le feu créateur où la matière en fusion prend forme autant que le feu destructeur qui ravage… D’où le titre de la pièce.

 

les actions scéniques et chorégraphiques

Dans Brûler, je poursuis mon étroite collaboration avec la chorégraphe Simone Aughterlony avec qui j’ai créé les pièces Deserve et Uni*Form, et qui était interprète dans la pièce Mitra ainsi que dans certains de mes films. Au fil des créations, Simone a développé une méthode spécifique de travail corporel qui tend vers une forme de déhiérarchisation des sens. La vue, l’ouïe, le toucher, le goût, l’odorat sont convoqués lors de pratiques somatiques qui étendent les champs de perception et produisent une qualité de mouvement dénuée de coquetterie formelle. Les notions philosophiques issues du Nouveau Matérialisme sont intégrées à la gestuelle et tendent à supprimer toute forme de discrimination entre les corps et les objets avec lesquels les interprètes interagissent. Le détail du travail gestuel qu’elle mènera – avec des étudiant•es participant à la création de Brûler dans le cadre de leur Master en danse à La Cambre – est détaillé plus bas.

La danseuse et performeuse Castelie Yalombo, sensibilisée aux questions décoloniales, et plus particulièrement aux nécessités d’une réarticulation des récits de nos identités dans le grand maillage des histoires oubliées, confisquées, cachées et dominantes, nous rejoindra également dans le processus de création.  

 

la création plastique

Comme décrit plus loin dans les points dédiés à la mise en scène, au travail de plateau et à la scénographie, les arts plastiques seront présents aussi dans Brûler : les os de verre moulés au préalable par les maîtres verriers seront exposés, des visages et des bustes seront moulés en temps réel, les corps en mouvement se figeront temporairement en objets d’exposition, à la fois dans la perspective de donner corps à Lucy et d’interroger ce désir d’immortalisation.

 

la mise en scène

Divers ateliers réalisés lors de résidences à Bruxelles et en France m’ont permis d’affiner à la fois une ligne dramaturgique et une méthode de travail qui détermineront la forme en devenir de Brûler. D’une part, une présentation déambulatoire sera privilégiée. Les spectateur•rices seront amené•e.s à se déplacer librement dans l’espace de représentation, ce qui influencera fortement les choix de mise en scène. D’autre part, le rapport à l’immortalité, au temps qui n’en finit pas, qui n’a ni début ni fin déterminée, sera travaillé formellement. Ainsi, les spectateur•ices qui arriveront sur le plateau auront le sentiment que la pièce a déjà commencé, que les personnes présentes sur scène sont déjà occupées depuis un temps indéfini. Chaque spectateur•ice décidera du temps qu’iel souhaite rester, chacun•e quittera les lieux au moment où iel le souhaite. La mise en scène sera travaillée selon ces paramètres. Toutes les matières – textuelles, musicales, chorégraphiques, plastiques – obéiront à une logique propre mais interchangeable. Chaque module pourra se répéter tout au long de la représentation. 

L’espace de représentation prendra la forme d’un immense chantier, un lieu de fouilles, un site archéologique stylisé. Les références aux pratiques archéologiques seront constantes depuis l’extraction d’objets du sable, de la terre, jusqu’à la création de moulages en temps réel (moulage de parties de corps ou d’objets). La transformation en verre du squelette de Lucy sera documentée par des images vidéo, et on pourra suivre le processus du nettoyage d’objets extraits de la terre jusqu’à leur exposition en vitrines dans un espace muséal métaphorisé par un « white cube » inscrit réellement dans l’espace.

l’espace de représentation s’apparentera à un terrain de fouilles. 

Les interprètes s’approprieront une gestuelle inspirée des pratiques archéologiques (fouille, extraction, nettoyage d’éléments découverts dans le sable, classification, annotation, mise en exposition etc…). De l’observation minutieuse des ces gestes analysés sur les nombreux documents d’archives photographiques et audiovisuelles disponibles et mis à disposition tout au long des répétitions, naîtront des mouvements que nous nous autoriserons à détourner, amplifier, répéter, juxtaposer de façon non réaliste, jusqu’à développer un langage corporel identifiable mais dont l’hybridité nous éloignera du réalisme des gestes utilitaires. 

Parmi les nombreuses actions qui animeront le plateau, la pratique du moulage sera particulièrement présente. Des bustes en plâtre, copies conformes du visage de certain•es interprètes, seront disposés sur des tréteaux. Par moment, les interprètes se positionneront face à leur propre image en plâtre et y sculpteront le possible visage de Lucy à l’aide d’argile malléable. 

Certaines parties de corps seront moulées en temps réel sur le plateau. De ces moulages naîtront des formes sculpturales qui s’accumuleront / s’amoncèleront jusqu’à créer des corps hybrides offerts à la contemplation. Ces formes anthropomorphiques trouveront également leur place dans l’espace du « white cube », volume directement inspiré des espaces d’exposition abondamment déclinés dans les sociétés occidentales. 

Ces lieux hautement symboliques tendent à produire de la valeur (monétaire et symbolique). Les œuvres et objets qui y sont exposés sont de facto immortalisés. Nous questionnerons cette notion de valeur du corps vivant lorsqu’il s’expose dans un tel environnement. 

 

la scénographie 

Celle-ci sera pensée en étroite collaboration avec le collectif d’architectes Traumnovelle. Cet espace extrêmement structuré dans sa forme initiale sera activé par les différent•es interprètes qui travailleront à le déstructurer tout au long de la représentation. Les matières premières telles que l’argile, la brique concassée et le plâtre seront déplacées selon une logique propre aux actions menées et, progressivement, l’espace immaculé du « White Cube » se verra transformé par ces matières et les actions. Nous opérerons une déconstruction à la fois littérale et métaphorique du musée en tant qu’espace immortalisant. Cette déconstruction modifiera en profondeur l’espace de représentation qui s’ouvrira à des horizons plus vastes que les murs blancs du White Cube.

L’espace de la représentation sera vécu comme un immense atelier où chaque geste, parole, musique ou objet contribue à l’élaboration d’un monde hautement symbolique et poétique tout en étant constamment ancré dans la matérialité du faire.



En pratique

1 poste d’assistant.e à a la mise en scène à pourvoir (du 1er aout 2024 au 15 septembre 2024)

Descriptif de fonction :

Ce poste s’articulera autour de différentes missions – l’idée étant de se partager les tâches, en complicité avec la dramaturge/assistante à la mise scène déjà présente et le metteur en scène. Toutes ces tâches tendent vers le même objectif : travailler au bon déroulement du processus de création du spectacle.

  • Gérer la logistique des répétitions (réunir les gens / savoir qui fait quoi à quel moment sur le plateau / penser les plannings / veiller au respect des horaires et du planning de répétition, etc.)
  • S’assurer de la bonne transmission des informations au sein de l’équipe de création, mais aussi avec les équipes du Théâtre National
  • Faire le lien avec l’équipe de production et diffusion du Théâtre National (point hebdomadaire sur les plannings, les répétitions, les besoins éventuels…)
  • Faire le lien avec les équipes de médiation et de communication du Théâtre National
  • Aider l’équipe à la prise en charge et la gestion des costumes et accessoires, aider à faire la mise avant les filages
  • Tout ce qui peut aider au bon déroulement de l’organisation du travail

Profil recherché :

  • Formation souhaitée dans le domaine culturel
  • Expérience de plateau souhaitée
  • Bonnes qualités d’expression orale et rédactionnelle
  • Sens de l’organisation, sensibilité artistique, responsabilité, autonomie, réactivité, écoute
  • Pouvoir s’exprimer en anglais est un plus

Date de la rencontre:

Les entretiens individuels auront lieu du 1 au 3 juillet 2024 au Théatre National Wallonie-Bruxelles. À priori vous serez invité pour un entretien le 1 ou 2 juillet. Dépendant du nombre d’inscriptions vous serez éventuellement inviter pour un deuxième entretien le 3 juillet.

Engagement: Disponibilité requise du 1er août au 15 septembre 2024.

A propos de Jorge León

Jorge León a étudié le cinéma à l’Insas. Son travail tant cinématographique que scénique est nourri de son approche documentaire.  Chaque œuvre est traversée par des problématiques socio-politiques contemporaines qui affectent les corps (le travail domestique, la traite des êtres humains, l’autorité policière et ses abus de pouvoir, la fin de vie, l’enfermement psychiatrique). Les sujets abordés prennent corps sur scène ou à l’écran au bout d’un long travail de recherche sur le terrain. Les personnes engagées dans la création artistique sont professionnelles ou interprètent leur propre rôle.

Jorge privilégie une approche collaborative de la création artistique. Chaque participant•e contribue activement au travail en le nourrissant de son propre vécu.

L’approche de Jorge se veut profondément  inclusive, chaque particpant•e intègre le projet avec ses singularités et celles-ci seront valorisées dans le travail.



Jorge León ©Julie Pfleiderer

Distribution

Création Studio Théâtre National Wallonie-Bruxelles 
Coréalisation Halles de Schaerbeek, Théâtre National Wallonie-Bruxelles 

 

Création et mise en scène  

Jorge León  

  

En étroite collaboration avec les interprètes 

Claron McFadden, Simone Aughterlony, Rokia Bamba, Castélie Yalombo  

Et les diplômé•es du Master Danse et pratiques chorégraphiques – INSAS, l’ENSAV – La Cambre et Charleroi danse : Aimé Gaster, Vio Lacroix, Garance Maillot, Charly Molle-Cousin, Justine Richard, Caroline Roche, Lou Viallon, Louisa Viret  

 

Assistanat et dramaturgie Isabelle Dumont  

Écriture Caroline Lamarche 

Autres textes Elsa Dorlin, Laurence Vielle, (en cours) 

Scénographie Traumnovelle  

Installation sonore et composition musicale Rokia Bamba  

Création lumière Arnaud Eubelen  

Création vidéo Aliocha Van der Avoort  

Création costumes Eugénie Poste 

Plasticien Arnaud Vasseux  

Réalisation moulages Stéphanie Denoiseux

Régie plateau Julian Fernandez, Dimitri Wauters

Régie lumière Arthur Demaret

Régie son David Defour

Régie vidéo Ludovic Desclin 

Régie générale Benoît Ausloos

Construction décor et confection costumes Ateliers du Théâtre National Wallonie-Bruxelles 

 

Un spectacle de Jorge León / Present Perfect asbl 

Production Théâtre National Wallonie-Bruxelles  

Coproduction Charleroi Danse, Halles de Schaerbeek, Muziektheater Transparant, La Coop asbl, Shelter Prod  

  

Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles – Service Général de la Création Artistique – Service des projets pluridisciplinaires et transversaux, du Centre des Arts Scéniques, du FRart, du Cirva, de Camargo Foundation, du CEREGE / Institut Pythéas / CNRS, Taxshelter.be, ING, du Taxshelter du gouvernement fédéral belge 

Note d'intention

L’idée du projet Brûler s’est imposée lors d’une conférence en 2019 à Bozar (Bruxelles), intitulée « The End Of Death » (la fin de la mort). J’y étais invité afin de partager mon expérience liée au film Before We Go que j’avais réalisé un an auparavant avec des artistes et des personnes en fin de vie. À Bozar, j’évoquais à quel point le récit occidental était habité par cette question de la fin, comment les œuvres d’art, visuelles, littéraires ou musicales étaient pensées par rapport à la finitude. 

Lors de cette conférence, j’ai fait la connaissance d’Aubrey de Grey, idéologue du transhumanisme qui annonçait à son auditoire que la fin de la fin n’était qu’une question de temps, que la mort n’était qu’une maladie que l’on finirait par soigner et que – selon lui – l’humain qui vivrait jusqu’à 400 ans était déjà né, qu’il était peut-être parmi nous, dans l’auditoire. 

Au-delà de la vision scientiste promue par les transhumanistes, et qui n’est finalement qu’une énième version d’un récit régulièrement resservi, ce qui m’a particulièrement interpellé, c’est la collision entre ce fantasme de se vivre immortel•le et l’annonce quotidienne alarmante qui nous est faite de l’extinction de l’humanité. 

C’est ce paradoxe qui m’a mis au travail. Il a généré une série d’étapes que je souhaite aujourd’hui réunir dans le contexte de la pièce Brûler, au départ d’une figure devenue mythique : celle de Lucy, l’australopithèque de 3.200.000 ans découverte par des chercheurs américains et français en 1974 dans le désert du Hadar en Éthiopie. 

En outre, cette figure m’intéresse en ce qu’elle semble contenir des questions contemporaines que je souhaite porter sur scène. Elle véhicule des questions emblématiques de la période que nous traversons : quel est le genre de Lucy (certain•es scientifiques aujourd’hui prétendent que ce pourrait être un homme) ? Qui sont ces hommes blancs impliqués dans les fouilles dans cette région désertique du territoire éthiopien (eux qui écoutaient en boucle Lucy in the sky with diamonds des Beatles au moment de leur découverte des 52 ossements de cette créature) ? Et si ces chercheurs avaient été des chercheuses, le récit qui nous a été transmis aurait-il été identique ? Et si l’équipe d’archéologues avait été éthiopienne ? En explorant la figure de Lucy, en imaginant qui elle serait si elle avait 20 ans aujourd’hui, si elle était engagée dans la marche de notre monde, on abordera inévitablement MeToo, Black Lives Matter, les ravages du changement climatique, les révolutions civilisationnelles en marche. 

Cette approche ouvre le champ du politique et contribue à faire de Lucy un personnage réfractaire à toute forme d’assignation. Réduite à des os fossilisés, elle ne possède plus aucun ADN identifiable. Si elle me paraît être le personnage pour questionner notre monde aujourd’hui, c’est aussi parce qu’elle nous relie en quelque sorte à une forme d’animalité dont la pensée transhumaniste tente de nous  déconnecter. Animalité à ne pas confondre avec la nostalgie de la sauvagerie primitive. Loin d’être une figure régressive, elle nous mènera, au contraire, vers la figure subversive de la guenon, telle que Paul B. Preciado la décrit dans son texte « Guenons de la République » : « La guenon n’est pas notre autre, mais signale plutôt l’horizon de la démocratie à venir. Il ne s’agit plus de réclamer notre appartenance à l’humanité en reniant le primate (…). Il faut embrasser l’animalité à laquelle nous sommes constamment renvoyés (…) ouvrir toutes les cages et déboucler toutes les taxonomies pour inventer, ensemble, une politique des guenons. » (Un appartement sur Uranus, Grasset, 2019).

Préparation de la rencontre

  • Faites attention à bien lire le descriptif du fonction. Il est recommandé, mais pas obligatoire, d’envoyer une lettre de motivation lorsque vous vous inscrivez à l’adresse rencontres@arts-sceniques.be
  • Attention: inscription via le site web obligée!
  • Vérifiez bien vos disponibilités pour toute la période de l’engagement! Disponibilité requise du 1er août au 15 septembre 2024.

 

Conditions de participation

1. Être inscrit·e au Centre des Arts scéniques, promotions ’20, ’21, ’22, 23′ et avoir publié votre profil

2. Être libre aux dates de travail (répétitions et représentations)

3. Être libre aux dates de la rencontre et arriver à l’heure

4. Avoir lu et accepté de respecter le règlement des rencontres professionnelles

5. Respecter la date de clôture des inscriptions

Lieu de la rencontre

Théâtre National Wallonie-Bruxelles, Bd Émile Jacqmain 111-115, 1000 Bruxelles
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