L’en-jeu d’une communauté
Landfall : expression anglaise qui n’a pas vraiment son équivalent en français, et qui exprime l’arrivée sur une terre à la fin d’un voyage en mer ou par avion.
Peut-être est-ce une île, l’histoire ne le dit pas.
C’est une scène, fragment d’espace mental. Iels sont arrivé.e.s là, à neuf, sans autre bagage que celui de leur jeunesse.
Ont-iels quelque chose à réparer, une éco-anxiété, comme on dit aujourd’hui, à exorciser ?
En quelque sorte un retour à la nature, c’est-à-dire à leur propre nature, d’individus reliés à d’autres dans la composition d’un groupe en formation. Une jeunesse dont l’éveil remet en cause certains héritages devenus pesants, le culte de la performance et de la réussite, les codes sociaux et les comportements qui leur sont attachés, les inégalités de genre etc.
Dans Landfall, ces questions ne sont pas brandies en slogans, elles sont en filigrane des présences, elles traversent l’intime des singularités réunies.
C’est un jeu pour s’inventer, seul.e et à plusieurs. Le JEU (je.eux), avec sa part de fantaisie, de « prise de risques », d’initiative, et d’énergie physique, comme fondement d’humanité et de société, ainsi que l’a montré Roger Caillois (Les jeux et les hommes, Gallimard, 1958).
Et si on jouait à être ensemble ?
L’énergie fougueuse d’une vitalité qui déborde
Pièce pour 9 jeunes interprètes des différentes disciplines (danse, théâtre, cirque), LANDFALL répond au désir d’une « grande forme », pour continuer à explorer en danse la sève de l’intime, mais au frottement d’un groupe et des compositions / recompositions qu’il peut engendrer. Le groupe telle une entité organique en mouvement, qui fait bloc, s’ouvre, se disloque et se redécouvre, intègre ou rejette les corps qui la composent. Neuf individus qui ne cherchent pas l’unisson, mais plutôt la co-existence dynamique des énergies et des sensibilités. En elleux, il y a de la fougue à revendre, ou plutôt à donner. Elle jaillit en impulsions spontanées, animales, pleines d’une vitalité qui déborde. Il y a quelque chose de doucement subversif dans cette énergie fougueuse qui fait lien, rebondit de l’un.e à l’autre. LANDFALL est un terrain de jeu animé par la passion.
Le processus veillera en tout cas à faire de la réalité respective de chacun·e des interprètes l’œuvre même, en présentant de portraits instables, apparaissant/disparaissant au gré des circonstances. Pour une œuvre teintée d’un humour poétique, qui joue sur les tensions entre danse et mots et sur les dérives du sens que permet un maillage entre un mode d’expression à l’autre.
En outre, la « partition » de LANDFALL, accompagnée par une création sonore de Thomas Turine, les lumières de Laurence Halloy, le regard dramaturgique d’Olivier Hespel et la collaboration d’Olivier Renouf, repose sur des variations autour de la notion d’urgence, cet état d’alerte et de veille susceptible de façonner des réflexes, des élans qui peuvent porter le corps jusqu’à une physicalité d’instinct. Cette urgence d’être et d’agir qui scelle l’en-jeu de la communauté ici réunie, met ainsi au plateau une sorte de choralité aux aguets… Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qui passe de l’un.e à l’autre ? Transmission de gestes, de motifs, qui compose une continuité de relais. Une poétique de la relation vive qui vient faire écho à ce que la communauté des 9 interprètes met en jeu.
En elleux, en nous.
Langage scénique
La notion de fougue ou d’urgence sera ici une base (base d’une dynamique, mais aussi, naturellement, base esthétique, politique et sociale du projet). Cette qualité sera cherchée, avant tout, par cette physicalité en alerte, prête à exploser, à rebondir… Mais sera également exploré (joué et déjoué) un rapport au temps, à l’immédiateté du mouvement, de l’action, du déplacement des situations, de la parole…. Considérer la fougue, l’urgence, comme un état qui vient interroger notre rapport au temps réel et au présent.