L’ENFANT PIAF

C’est en observant l’émergence d’un mouvement de la jeunesse contre le changement climatique que m’est venue l’envie d’écrire l’Enfant-Piaf. Je me suis intéressée à cette jeunesse à qui l’on demande de prendre en charge l’avenir, tout en la renvoyant à sa condition de sujet non constitué. Pour exemple, Greta Thunberg et d’autres jeunes ont été invités dans l’hémicycle et priés d’aider les politiques, tout en étant exhortés à rester à l’école. 

L’enfant est réduit sans cesse à une figure incapable de prendre des décisions intelligentes, de juger ce qui est bon pour son bien-être présent et futur. Il ne s’agit pas de remettre en cause le chemin éducatif, mais de questionner pourquoi le sentiment de n’être pas entendu émerge chez une partie de la jeunesse et va jusqu’à provoquer une fracture générationnelle. 

Avec cette pièce, je propose une expérience singulière : une machine d’enfance, une machine de fuite pour inventer des issues, une incartade hors de notre modernité construite sur l’appropriation et la conquête du vivant et dans l’arraisonnement de la nature. 

J’ai choisi une forme spécifique, une épopée à destination du tout public qui canalise la brutalité de l’époque et soutient la symbolisation. J’aborde un des principaux enjeux de notre siècle, la Sixième Extinction, à travers la parole et le regard d’une tranche de la population particulièrement sensible aux changements et mutations, la jeunesse. Entre révolte adolescente, combat écologique et réminiscence d’assauts populaires, nous assistons à un renversement de valeurs : les adultes deviennent enfants, les enfants parents. Ces sages en culotte courte imaginent les possibilités d’une échappée. Ils ne veulent plus du mode de vie avilissant et violent auquel leurs parents ont cédé, voire qu’ils ont perpétué et qui précipite la fin d’un monde. Aucun code civil n’encadre leur refus perçu comme sauvage par la société. Alors, ils définissent de nouvelles règles pour s’organiser et revendiquent un pays où vivre à leur aise. Un territoire pour accueillir la communauté du vivant à laquelle ils se sentent reliés. 

Je veux donner à entendre le souffle de l’enfance, son rythme et ses interrogations concernant un monde de plus en plus déconnecté de toute interaction au vivant. Le paysage qui entoure Plume, le personnage principal, est chamboulé, au même titre que son paysage intérieur : tout est sens dessus dessous, elle évolue dans un printemps où les chants d’oiseaux n’ont pas été simplement mis en sourdine par le vacarme des activités humaines, ils ont en grande partie disparu. Son printemps ne ressemble pas à un de nos printemps…c’est un temps suspendu entre un été aride et un hiver glacial. En convoquant les oiseaux, elle appelle à un renouveau. Leurs vocalises complexes et variées participent de sa recherche d’harmonie. Elles l’apaisent, aussi sûrement que nous angoissent les sirènes des ambulances et des pompiers.