-Synopsis-
Dans un village, en campagne belge, française ou suisse, un groupe de personnes se rassemble dans un lieu étrangement aménagé. Elles y ont été invitées. Elles découvrent un espace où trônent de grands canapés, une ou deux statues indéfinissables, quatre pantins dangereusement réalistes, et de grands tableaux semblant être des copies d’œuvres d’art appuyés sur les murs, attendant d’être accrochés.
Troublées par cet espace, elles y entrent progressivement. Petit à petit, on comprend que les personnes se connaissent, elles constituent la chorale du village. Elles auraient répondu à une annonce parue dans le journal : Cheffe d’orchestre cherche chorale pour le 14 juillet ! La chorale attend la venue de la cheffe d’orchestre, découvre l’étonnante pièce, chante un peu. La cheffe arrive finalement et propose de commencer à répéter, en suggérant qu’un bon public de patriotes serait présent. Les chants d’abord inoffensifs et joyeux deviennent de plus en plus étranges, peu connu, en plusieurs langues. L’identité de cette chorale semble se transformer irrémédiablement. Les différents membres, complètement perdus dans ce processus, ne semblent pas réussir à reprendre l’ascendant, tentent de s’organiser mais sont de trop bonne volonté face à une figure à laquelle ils ont l’habitude d’obéir. La cheffe d’orchestre organise le spectacle souhaité à sa guise, change petit à petit la forme de la mise en place du groupe, ses intentions, pour finalement réussir son œuvre.
-Écriture en six mouvements-
La cheffe d’orchestre organisera son concert de manipulation sur 6 mouvements (dramaturgiques et musicaux).
Ces mouvements sont :
LA DÉCOUVERTE – LE SOMMEIL – LA JOIE – L’AMOUR – LE TRAVAIL – LA GUERRE.
Cette trame guidera les improvisations, l’écriture, et nous posera plusieurs questions. Comment endormira-t-elle la chorale ? Comment la rendra-t-elle heureuse d’être endormie ? Puis, dans ce sommeil joyeux, comment la rendre amoureuse – de son pays, de ses valeurs ? Comment ensuite la mettre au travail ? Puis comment la guider vers la guerre qu’elle doit accomplir pour défendre cet amour et ce labeur ? À quoi ressemble un chœur théâtral endormi, ou amoureux ? À quoi ressemble un chœur théâtral qui va en guerre ?
Je rassemble donc un corpus de chants nationalistes, fascistes, nazis, religieux, patriotiques et folkloristes, venant de différents pays, qui serviront à constituer ce chœur. La cheffe d’orchestre cherchera à faire intégrer ces rengaines désuètes à des individus contemporains, faisant naître par là-même un chœur nouveau, comme si ce souvenir hideux était plus puissant que ces individualités vides. La rengaine ne sera pas seulement musicale. Quelques textes seront dits par ce chœur, certains conformes à ce fascisme embryonnaire, d’autres plus troubles. Ce seront des textes de pièces de théâtres ayant traité, d’une manière ou d’une autre, de la question du totalitarisme et de la guerre : je pense à Fragment Fatzer et à La Résistible ascension d’Arturo Ui de Brecht, à Sur la voie royale ou Rage d’Elfriede Jelinek, ou encore Chœur final de Botho Strauss.
Contrepoints ou soutien du chœur, ces extraits de textes circuleront dans la partition, comme si les personnages du théâtre passé, devenus fantômes ou spectres, cherchaient à prévenir, à faire penser, à ne surtout pas simplifier.
Nous serons face à des figures qui, de quidam, deviendront plus complexes dans le temps du spectacle. Certaines chanteront des horreurs sans même s’en rendre compte, certaines s’en réjouiront, d’autres enfin discerneront la supercherie mais préféreront se lier à la masse.