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Points de rupture

Françoise BLOCH

En bref

Françoise Bloch explore les moments où un être rompt avec le système.  

Points de rupture, un projet Zoo Théâtre

A partir d’une courte nouvelle et de matériaux documentaires, Françoise Bloch/Zoo Théâtre explore ces moments où un être rompt avec le système et/ou le groupe dans lequel il est inscrit pour tracer une autre ligne. Burn-out, révolte, crise, profond désaccord? Quelle vision idéalisée, quel cauchemar, quelle conscience surgit et irrite mon imagination pour que s’impose en moi le refus ? Quels affects, quelles dispositions, physiques et mentales, transforment ce refus en acte « définitif » ? Un groupe d’acteurs s’attache à décortiquer ce qui fait naître ce qu’on pourrait appeler « une écriture ».

En pratique

Rencontre professionnelle: du lundi 05 au vendredi 09 novembre 2018.

Premier tour les lundi 05 et mardi 06, second tour jeudi 08 et vendredi 09 de 14 à 20h.

A la suite de ce second tour, une sélection de 3 à 4 personnes maximum invitées à participer à un stage – rencontre pro (12 personnes toutes générations confondues) *

* Ce stage-rencontre pro de 2 semaines se déroulera entre le 15/01/19 et le 28/02/19 .
Il n’est pas rémunéré. Il n’implique pas les acteurs déjà prévus pour le spectacle.
L’ensemble des frais (déplacements, frais de copie, achats liés au travail, etc) sont remboursés et un catering (un repas chaud et boissons à volonté) est prévu.
Au terme du stage: choix d’une ou de deux personnes parmi les 3 ou 4 préselectionnées.

Clôture des inscriptions: mardi 30 octobre 2018.

-Répétitions: du 29 avril au 18 mai à Bruxelles, du 27 mai au 8 juin à Bruxelles , du 25 au 27 juillet à Vitry-sur-scène (FR), du 29 juillet au 3 août à Vitry-sur-scène (FR), du 7 au 14 août (lieu à confirmer), du 23 au 28 septembre (lieu à confirmer), du 1er au 12 octobre à Bruxelles, du 29 au 31 octobre (lieu à confirmer), du 5 novembre au 2 décembre à Bruxelles.

-Représentations: du 3 au 15 décembre au Théâtre National de Bruxelles, du 16 au 22 décembre (lieu à confirmer), périodes entre février et début mars 2020 à Mars/Mons, Ancre/ Charleroi / Théâtre Jean Vilar/Vitry-sur-Seine (en cours…)

Une création de Zoo Théâtre en coproduction avec le Théâtre National/Bruxelles, Sur Mars/Mons, le Théâtre Jean Vilar/Vitry Sur Scène, l’Ancre/Charleroi, … (en cours).

A propos de Françoise BLOCH

Je suis metteure en scène belge francophone. Je dirige une compagnie: Zoo Théâtre, avec laquelle je construis des spectacles que nous écrivons collectivement sur des sujets socio-économiques. Nous les voulons joyeux, rigoureusement documentés et proches de notre voyage à travers ces réalités qu’au départ nous ne maîtrisons pas. Une trilogie sur la concurrence a d’abord vu le jour : Grow or go sur les discours de jeunes consultants en stratégie d’entreprises, Une société de services, mettant en scène des travailleurs précaires en centre d’appels et Money ! qui, partant d’un rendez-vous dans une banque, tente de déployer les mécaniques du profit. Études, sur les liens entre finance et politique, ouvre au public un spectacle en train de se construire. En lien étroit avec ma pratique artistique, je suis également pédagogue à l’École supérieure d’acteurs de Liège qui me sert d’espace de recherche et, à l’occasion, dans d’autres écoles d’acteurs (RITS – Brussel, École du TNB-Rennes, École du TNS-Strasbourg).

Distribution

6 comédien·ne·s, 1 musicien·ne (en cours)

Un rôle de collaborateur·trice artistique au jeu et à l’écriture est ouvert aux membre du Centre des Art scéniques.

Note d'intention

On se moque du « grand soir » et des « lendemains qui chantent » mais, sans illusion même perçue comme telle, rien ne bouge. Sans un peu d’imaginaire, on trouve difficilement la force d’opérer un changement sérieux, un changement qui coûte ou qui risque.
Lorsque je dis « si ça continue, je vais crever », je sais pertinemment qu’il y a fort peu de chance pour que, si ça continue, je meure réellement tout de suite, mais cette petite phrase que je me répète ou qui me revient sans cesse à l’esprit, ces quelques mots, pèsent dans la balance de ma capacité à rompre avec ce qui faisait jusque là ma vie, à suspendre une négociation qui m’apparaissait cependant comme vitale ou comme la seule voie possible.
Qu’il s’agisse de l’état du monde, ou de celui d’un individu, la question du seuil de tolérance se pose aujourd’hui. Le travail à l’oeuvre dans nos sociétés occidentales du XXIe siècle, que nous le voulions ou non, est de le repousser toujours un peu plus loin. Est-ce tenable ? Car nous savons maintenant que cela peut aller très loin. Comme la grenouille dans l’eau chaude, nous pouvons, très progressivement, renoncer petit à petit à ce qui fait la qualité de notre humanité et de notre plaisir de vivre.
C’est pour toutes ces raisons et d’autres, plus personnelles, que je souhaite aujourd’hui m’intéresser à ces points de rupture et au moment du « non », du refus, et du changement qui, suite à ce refus « affirmé », peut s’opérer.
Ma question est: comment l’imaginaire joue t’il dans ces refus et ces transformations. De quel type d’ imaginaire s’agit-il ? Et, dès lors, comment entretenir ce type d’imaginaire ?
Dans bon nombre de cas, il n’y a pas préméditation consciente du refus: parfois c’est le corps qui parle «tout seul» (burn out, maladies, accidents), parfois les circonstances ou le groupe tout autour décide, bref, souvent, on ne fait, pense t’on, que « suivre ».
Dans La métamorphose de Kafka, Grégoire Samsa ouvre les yeux un beau matin et constate que son réveil indique 7H30 alors que son train pour aller travailler part à 5H45. Il constate ensuite qu’il est transformé en cafard…Est-ce que Grégoire Samsa « décide » de ne pas aller travailler ce matin là et se retrouve «du coup» transformé en cafard, est-ce parce qu’il est transformé en cafard que « du coup », il ne peut pas (et ne pourra plus jamais) aller travailler ?
J’ai, jusqu’ici, travaillé à partir de matériaux documentaires: fragments de films, interviews, enregistrements pirates, reportages audio, etc. et j’ai progressivement élaboré une méthode de travail, à partir de ces matériaux, permettant à chacun des acteurs de l’équipe d’être co-auteur du spectacle final : nous mettions la collecte de matière ensemble, comme dans un grand sac, et chacun puisait ce qui l’intéressait et qu’il pensait pouvoir transformer, d’une façon ou d’une autre, en « théâtre » (avec un minimum d’a-priori sur ce mot). Nous obtenions alors une petite « collection » de propositions scéniques à partir desquelles se construisait la dramaturgie finale du spectacle. Celle-ci s’élaborait donc d’une part à partir d’une question, ma question, souvent théorique, d’autre part à partir des choix du groupe par rapport à cette question et des possibilités théâtrales de la matière.
Je suis extrêmement attachée à la position d’ « acteur-auteur » sur le plateau car elle génère un rapport au public et un niveau d’implication dans le jeu qui est celui que « j’aime voir » car aussi elle provoque dans le travail un rapport « acteur-metteur en scène » un peu plus horizontal qui est celui que j’aime vivre. Je souhaite donc poursuivre méthodologiquement dans ce sens.
Ce qui, par contre, va se transformer, c’est la nature des sources et de la matière. Après un parcours (de Grow or Go à Etudes / The éléphant in the room) où, sur à peu près le même sujet: les conséquences humaines de l’ultra- libéralisme, nous sommes allés de plus en plus à l’os, nous intéressant toujours un peu plus aux mécanismes et à leur organisation globale, manipulant des sources de plus en plus arides (projets de loi, réunion de sous groupe du parlement européen, analyses … etc.) il m’a semblé temps d’opérer un tournant.
Mon souhait, aujourd’hui est de partir de matériaux fictifs du passé et de voir comment ma question s’y déve- loppe, en ce compris dans ses aspects poétiques.
La forme théâtrale que nous construirons à partir de là m’est, heureusement, encore inconnue. Mais il s’agira d’une forme épique (un groupe d’acteurs raconte ou/et expose) dans laquelle devrait pouvoir se glisser des « dérapages » poétiques, des images, construites à vue par les acteurs, qui brusquement se déploient de façon autonome…
La question de savoir s’il va, in fine, s’agir d’un théâtre-récit ou, comme par le passé, d’un théâtre-paysage n’est pas aujourd’hui tranchée.
Le premier atelier exploratoire où nous allons tester l’articulation narration-figuration et le mélange docu- ment-fiction prendra comme point de départ une nouvelle de Jack London: L’apostat. L’apostat (celui qui renie sa religion) est un conte mélodramatique, à l’écriture sèche et factuelle. London y décrit le parcours d’un enfant, travailleur en usine dès l’âge de 7 ans, qui à l’âge de 18 ans tombe malade. Il n’ira plus jamais travailler, dit-il. Toute la vie du gamin, jusque là, est construite sur une acceptation : vouloir bien faire le travail, ramener l’argent à la maison. Mais, après un minutieux comptage du nombre de gestes accomplis par jour, puis par mois, puis par an, puis en 11 ans, dans ses différentes usines, il fait son paquet et s’en va dans la campagne qu’il découvre, ensoleillée, pour la première fois. Cependant, c’est un petit squelette gris et claudiquant dans le paysage vers son but que décrit London dans la séquence finale.
Des documents (extraits de films documentaires et fiction, interviews, reportages audio, etc) porteurs de développements contemporains du sujet ou renvoyant sur l’énergie essentielle de cette « mutation » viendront nourrir les propositions. Un musicien-bruiteur accompagnera la fin du travail.
Deux autres ateliers suivront qui devraient permettre d’asseoir une méthode de travail, de déterminer une « grammaire » et de faire des choix de langage théâtral.
La forme théâtrale finale ne m’est pas encore connue. C’est aussi dans le partage de son élaboration que se fédérera l’équipe. Mais il s’agira d’une forme épique (un groupe d’acteurs, clairement situés dans un théâtre, raconte ou/et expose) dans laquelle devrait pouvoir se glisser des « dérapages » poétiques, des images, construites à vue par les acteurs, qui brusquement se déploient de façon autonome…
Ces dérapages, ces images s’attacheront à étirer dans le temps puis dans l’espace le moment qui précède le « point de rupture » ou la mutation, pour en questionner la nature, et, si mon hypothèse fonctionne, décortiquer (séparer en ses différents éléments) l’écheveau d’influences qui opère en nous dans ces moments d’oscillation trop craintive de notre volonté.

°°° Sans illusion, rien ne bouge °°°

Préparation de la rencontre

En amont de la rencontre, il vous est demandé :

De choisir le début d’un récit à la 3e personne (extrait d’un texte non dramatique) de maximum 2 minutes et de pouvoir nous le raconter (avec les mots de l’auteur)
NB: Si vous écrivez, vous pouvez choisir un extrait de 2 minutes d’un de vos écrits personnels et nous livrer une version papier de l’écrit complet.

ET
De préparer un extrait de maximum 2 minutes d’un monologue à choisir dans la liste suivante:
– un des monologues de « Débris » de Denis Kelly
– un extrait de « Gaspard » de Peter Handke
– de monologue de Bastian dans le « chagrin des ogres » de F.Murgia (P 55 à 58)

Les filles comme les garçons peuvent choisir l’extrait d’un personnage féminin ou masculin

Les textes de travail sont protégés par un mot de passe, qui vous est communiqué dans le mail introductif.

ET

Si vous êtes musicien: pouvez vous apporter votre instrument et jouer un morceau ou un extrait de morceau de maximum 2 minutes. Un piano Yamaha est à disposition si nécessaire.

Conditions de participation

1. Être inscrit(e) au Centre des Arts scéniques, promotions   ’15, ’16, ’17
2. Être libre aux dates de travail (répétitions et représentations)
3. Être libre toute la durée du stage et arriver à l’heure
4. Nous avoir transmis votre CV (format pdf) et une photo actualisés (format jpg) au plus tard lors de votre inscription, si cela n’a pas déjà été fait
5. Respecter la date de clôture des inscriptions

A propos de l'auteur·ice

Comme un miroir porté sur le chemin du travail
Interview réalisé par Thomas Depryck, Bilan des auteurs de la SACD Belgique
Avec sa compagnie Zoo Théâtre, à travers ses spectacles, c’est une entreprise de captation, de capillarisation et de régurgitation du réel, mais plus précisément du monde du travail et de la finance qui est à l’œuvre chez Françoise Bloch.
Formée à l’INSAS en mise en scène, Françoise Bloch a commencé par travailler en tant qu’« œil extérieur », dramaturge ou co-auteur avec Yves Hunstad ou le Théâtre de la Galafronie, tout en menant un travail pédagogique à l’INSAS, puis au Conservatoire de Liège. Elle y mène une réflexion sur le jeu de l’acteur et son rapport au réel, dans un premier temps à travers la farce et la satire. Elle monte ensuite deux spectacles qui seront déterminants pour la suite : La demande d’emploi de Michel Vinaver (Théâtre les Tanneurs) et, avec 24 acteurs : Exercice de démocratie. / Élection du Président de la Région Centre. / Séances des 20, 25 et 28 mars 1998 édité aux Solitaires Intempestifs. Elle travaille aujourd’hui sur base de films documentaires.
Rencontre avec une metteure en scène qui n’hésite pas à mettre les mains dans le cambouis :
Dans Grow or go, Une société de services et Money ! vous travaillez sur le réel, avec des approches similaires, en multipliant les sources documentaires et en travaillant sur le jeu de l’acteur (sur l’imitation notamment), le mouvement, l’image, pour « faire théâtre ». Comment travaillez-vous ? Quel est le processus à l’œuvre ?
Le processus est différent sur chacun des spectacles. La pratique d’imitation de matériaux documentaires comme point de départ est commune au trois spectacles, mais chaque processus a sa particularité et dépend beaucoup de l’équipe d’acteurs.
Le premier spectacle, Grow or go est une adaptation du documentaire éponyme de Marc Bauder. C’est un spectacle qui est né au Conservatoire de Liège (comme tous les autres d’ailleurs), à partir de mon travail pédagogique avec les élèves. On a regardé le film en vue d’établir un matériau de base. Au départ, c’était uniquement le documentaire qui nous occupait, puis d’autres choses se sont greffées : des bouts de Unter Eis de Falk Richter (qui a lui-même puisé dans ce documentaire pour l’écriture de cette pièce).
Les acteurs ont choisi librement dans Grow or go ce qui leur semblait intéressant. J’ai choisi moi aussi des séquences, mais au même titre que les acteurs. Il y a des scènes qui me semblaient incontournables que j’ai sélectionnées. Je n’ai pas fait de distribution, je n’ai pas imposé les choses. On a imité complètement les scènes, c’est-à-dire tout : la voix, les petites hésitations, les gestes, le moindre détail. Ça doit être d’une précision obsessionnelle. Il y a un grand travail de recopiage, que les acteurs font, que moi je fais. C’est une façon de se concentrer sur le sujet, et ça, c’est resté dans les trois spectacles, cette phase de copie, recopie, cette façon de se mettre en-dessous du matériel : on le met sur le grill et on l’étudie. C’est une imprégnation maximum, dans le cadre d’une position basse, c’est-à-dire dans l’idée que ce qui se passe là, sur l’écran, sera toujours plus intéressant que ce que moi je pourrais produire ou inventer. Cette phase est longue. Le théâtre est retardé. Mon geste de metteur en scène, notre création, est retardée au profit d’une étude. Etudier quelque chose qu’on ne connaît pas.
Pour Une société de services, c’est un de mes anciens étudiants qui m’a appelée un jour parce qu’il travaillait dans un centre d’appel. Il en avait complètement assez de ce travail mais il devait, pour des raisons financières, y rester encore deux mois ; et il n’envisageait pas la possibilité de tenir si ça ne servait pas à quelque chose ou à quelqu’un. Il m’a demandé si ça m’intéressait de le rencontrer pour qu’il me raconte et donc le travail est parti de ses récits que j’ai filmés, puis d’enregistrements qu’il a fait sur son lieu de travail, sur lesquels on a basé le travail d’imitation. Du matériel supplémentaire est venu se greffer ensuite.
Pour Money !, j’avais le sujet : puisque j’avais parlé dans les spectacles précédents des conséquences de la financiarisation des entreprises, je voulais maintenant parler de la financiarisation elle-même et des mécanismes qui la sous-tendent. Let’s make money, le film documentaire de E.Wagenhofer a été pour cela une source importante. Et puis il y a eu le procès Kerviel, qui, par hasard, est tombé en même temps. Je me suis embraquée dans ce procès, j’y allais quasi tous les jours accompagnée par une collaboratrice : Yaël Steinmann, on prenait des notes. Mais cette approche s’est à terme révélée une fausse piste par rapport à ce que je souhaitais faire. Elle partait d’un héros, ou d’un anti-héros, peu importe, et l’attention se portait sur une personne, voire sur sa psychologie, cela ne convenait pas à la réflexion que je souhaitait mener et partager. Donc j’ai pataugé. J’ai reporté la création d’un an, et je suis repartie d’ailleurs : puis, à un moment, grâce au film de Wagenhofer, je me suis lancée sur l’idée de parler du trajet de l’argent.
Et à ce moment là, tout s’est réouvert.
Ça a été un très long cheminement parce qu’il y avait un problème de sources. Je souhaitais suivre le même principe que pour Grow or go ou que pour Une société de services, c’est-à-dire ne puiser mes sources que dans le milieu décrit, lui-même, c’est-à-dire jamais dans les espaces critiques… Bien entendu je regarde ou je lis des documents, des articles, des livres, des films « à charge » issus des espaces réflexifs et critiques, mais pour les deux spectacles précédents, j’avais choisi d’aller chercher mes sources dans le milieu concerné lui-même de façon à entamer un travail d’imitation sans prédéterminer un point de vue.
Avec Money !, cependant, je n’ai pas pu construire quoi que ce soit à partir de matières issues du milieu des banques. Je n’avais aucune parole réellement libre, rien qui échappe, rien, non plus, qui nous aidait à rendre les mécanismes plus lisibles. J’interviewais des traders, des hauts cadres responsables de la gestion de patrimoine, du marketing, etc. mais la communication était trop travaillée. C’était une langue de bois complète.
Et c’est là qu’on a décidé d’aller nous-même en rendez-vous à la banque ;
Et par là, nous avons eu accès à du réel accidenté qu’on pouvait décoder. Et puis après cela, nous nous sommes quand même tournés vers Attac (Association pour une Taxation sur les Transactions financières et l’Action Citoyenne) pour essayer de comprendre ce qu’on nous racontait ou ce qu’on ne nous racontait pas, et les choses se sont mises en place.
L’utilisation des chaises et des tables de bureau, de la vidéo ont aussi pour objectif de rendre compte du réel ?
Les tables à roulettes sont des tables construites, je n’en ai jamais vu de pareilles dans un bureau. Ces tables existaient déjà pour La demande d’emploi de Vinaver. Là aussi, il fallait que tout soit extrêmement mobile et ces tables et ces chaises étaient parfaites de ce point de vue. J’aimerais bien raconter un jour que les espaces aussi se transforment constamment, qu’ils se transforment sans changer les choses, paradoxalement. Pour ça, il me faut des verticales qui bougent. J’ai essayé mais ça ne marchait pas : ça n’a jamais eu la fluidité nécessaire. Il aurait fallu le budget double du mien : trois ou quatre régisseurs de plateau pour arriver à cette mobilité, cette fluidité de l’espace qui raconterait que, pour des raisons qui m’échappent, les open spaces se transforment sans cesse sans se transformer. Ça serait pour moi toute une affaire de raconter ça mais, en l’état actuel des choses, je ne peux pas.
Quel est le rapport qui est cherché dans le travail d’imitation ? Celui de la création par « héritage » du réel ? On disait autrefois qu’avant de devenir bon peintre, il fallait savoir « copier » les maîtres ? Est-ce que l’acteur passe par là aussi dans vos spectacles ?
Je crois à ça terriblement. L’imitation est pour moi constitutive. On imite sa maman. C’est le point de départ. Quand un enfant met les chaussures de sa maman, il y a un rapport affectif, il y a une mémoire affective du corps. Je cherche ça aussi. Et quand au fait d’imiter les grands peintres, je crois profondément que c’est la base de tout. Recopier me met dans une empathie très forte, dans une appropriation mais sans précipiter le fait de faire les choses miennes. C’est une appropriation laborieuse. Et j’aime ce labeur là.
Cette empathie pour les personnes imitées permet aussi de ne jamais pointer les individus, et oblige donc à être suffisamment clairs sur les mécanismes que pour ne pas devoir pointer les individus ou ne pas devoir critiquer les individus pour expliquer quelque chose.
Ce sont toujours les systèmes qui sont mis en cause. Mettre en cause les systèmes implique tout au contraire de se tenir à distance de ceux-ci. Ainsi, je crois, nous faisons l’aller retour entre l’individu et les mécanismes.
Cette mise en cause des systèmes, cette volonté de « faire prendre conscience de », se fait toujours de façon ludique… c’est très important pour vous ?
Oui j’ai une volonté de faire prendre conscience de certaines choses au spectateur. Volonté pratiquement didactique parfois. Mais il faut aussi que quelque chose de joyeux se dégage du plateau, qui est quelque chose d’actif et de commun, si possible de commun ; Et ce commun se transmet par d’autres voies que celles du discours. C’est un certain état du plateau. Il faut que la conscience, la lucidité, la capacité d’ironie, n’entament pas le fait de prendre les choses à bras le corps joyeusement. Je pense que la conscience des mécanismes et même le fait de voir qu’on va au désastre n’empêche pas de se mettre ensemble et d’imaginer joyeusement des portes de sortie.

Vous trouverez plus d’informations sur le travail de Françoise Bloch et de la compagnie Zoo Théâtre  sur le site de la compagnie. Vous pouvez également découvrir le travail réalisé sur les derniers projets sur la chaîne Viméo de la compagnie.

Lieu de la rencontre

KJbi
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