Un théâtre politique/
K. De Sutter : « Ce n’est pas difficile de percevoir que le théâtre dans la pièce n’est qu’une métaphore de notre civilisation contemporaine. Je connais peu de textes contemporains qui soient si chargés politiquement. Dans cette pièce, tous les points de vue, tous les arguments, et les thèmes actuels cohabitent. Tom a écrit une pièce polyphonique, sans indiquer de direction claire. C’est ça, la force du théâtre, quand il est bien écrit: à chaque argumentation, le·a spectateur·ice pense que c’est la vérité, et quand la contre-argumentation arrive, il pense « tiens, ça aussi, c’est vrai. »
(…)
T. Lanoye : « Le théâtre n’est pas fait pour établir des prises de position politiques comme des billets polémiques qu’on trouve dans la presse. Mais créer un théâtre qui ne soit pas chargé politiquement, pour moi c’est impossible, et je ne le ferai jamais. »
T. Lanoye : « Ce n’est pas une adaptation littérale, mais une pièce autonome. »
T. Lanoye: « C’est une tradition européenne de proclamer qu’il faut en finir avec la tradition. J’espère que le public sera conscient de cette ironie. Dans cette pièce, un des personnages déclare que le théâtre est mort. Ça en souligne mieux la nécessité. »
T. Lanoye : « Le conflit entre la vieille garde autochtone et les jeunes étranger·ères est évidemment une métaphore des conflits de notre société. En faisant un petit effort, on peut reconnaître dans les aspirations des vieux·vielles comédien·nes, les revendications des gilets jaunes. »
K. De Sutter: « Il s’agit de la guerre perpétuelle entre la vieille-garde (dont je fais partie) et les révolutionnaires. Les deux sont aussi arrogant·es l’un·e que l’autre. Tous les quatre sont emprisonné·es dans un système dans lequel ils et elles pensent être en « bas de l’échelle. »
L’amour/
– « L’amour est mis à mal dans cette pièce?
– « Was sich liebt, das neckt sich. » « Ce qu’on aime, on le détruit. » Le jeu de l’amour est dur dans la pièce mais ça reste un jeu. Je perçois la beauté de cette lutte. Mais peut être qu’il faut voir la pièce pour le comprendre. »
T. Lanoye: « C’est Roméo et Juliette qui seraient devenu·es vieux et vieilles. Se faire la guerre, c’est la seule manière de déclarer encore son amour. Ils et elles créent cette joute amoureuse d’une manière si brillante, que ça ne peut- être que le signe d’un amour talentueux et profond. »
K. De Sutter : « C’est pendant la durée d’une représentation qu’on est ému·e par leur rapport amoureux: c’est seulement dans la durée qu’on comprend qu’ils et elles ne font que se dire : « je ne peux pas vivre sans toi ». Et cette phrase n’est jamais prononcée dans la pièce. C’est comme la déclaration de John qui dit que le théâtre est mort, alors qu’il mourrait s’il devait arrêter»
EXTRAITS D’INTERVIEW T.LANOYE/K.DE SUTTER, KNACK, 18/09/19