Le programme qui se déroulera dans le désordre (hormis l’arpentage qui ouvrira la semaine)
Deux journées théoriques / politiques menées par Christine Aventin pour : lire, réfléchir, discuter, ruminer
JOUR 1 On commencera avec une lecture par arpentage de FéminiSpunk.
L’arpentage est une méthode de découverte à plusieurs d’un ouvrage, en vue de son appropriation critique, pour nourrir l’articulation entre pratique et théorie.
Objectifs :
– désacraliser l’objet « livre »
– expérimenter un travail coopératif et critique
– créer une culture commune autour d’un sujet, d’un savoir théorique
– comprendre qu’aucun savoir n’est neutre, tout point de vue est situé.
Cette méthode de lecture collective est issue de la culture ouvrière, puis elle a été réutilisée par les résistant·es pendant la seconde guerre mondiale. Elle est aujourd’hui un outil incontournable de l’éducation populaire et des milieux autonomes.
Si vous voulez prendre connaissance du livre avant l’atelier, la lecture intégrale est disponible en podcast ici :
https://www.radiopanik.org/emissions/lapagetourneuse/lapagetourneuse-lit-feminispunk/
JOUR 2 Pourquoi nous voulons, dans le cadre de cette semaine Spunk, constituer un groupe mixte – et si possible équilibré – de garçons et de filles, de personnes blanches et de personnes non-blanches, de straights et de queers ?
Parce que nous voulons réfléchir et travailler dans l’inconfort choisi et assumé des zones de contact, et de frictions. Aussi allons-nous proposer un atelier de rumination à propos du safe, du quant-à-soi et de la contagion :
Lorsque, dans un impératif de « safe space », les personnes opprimées se sont mises à pratiquer de manière intense – et bientôt exclusive – les non-mixités, il s’agissait d’une étape indispensable, mais provisoire. Il s’agissait de créer des milieux protégés afin de pouvoir, à l’abri des menaces et des violences, se soigner collectivement et affûter secrètement nos armes, en vue de la lutte à mener.
Ne sommes-nous pas en train d’oublier que les non-mixités n’étaient pas une fin en soi (destinée à établir le confortable cocon du quant-à-soi), mais un moyen – qui visait à nous rendre capables, ensemble, d’occuper des zones de contact et de frictions avec le dehors en vue d’une contagion réciproque ?
Pour se plonger dans la matière Podcast Quoi de meuf #131 « la non-mixité pour les nul.les »
En parallèle à cette réflexion, nous irons nous frotter aux romans de Fifi Brindacier, et nous regarderons quelques extraits de la série télévisée, afin de décortiquer les modes relationnels subversifs de Fifi :
comment Fifi débarque systématiquement dans une « non-mixité » (au sens de « milieu qui partage les mêmes codes et les mêmes visions, les mêmes dogmes » (l’école, la famille, le magasin, le cirque..) et comment elle est l’intruse qui vient activer un rapport de forces sans jamais être dans une prise de pouvoir. L’analyse, dans le texte, des ressorts rhétoriques de Fifi et l’analyse, dans l’image, des ressorts physiques de Fifi, deviendront nos ressorts politiques
JOUR 3 Une journée confiée à Anne Thuot et Alphonse Eklou pour : jouer, mettre en jeu, éprouver, commenter, regarder
« Au sein d’un environnement pédagogique sain, les matériaux avec lesquels travaillent les étudiant/es ne dépendent pas de l’accord ou du niveau de confort de ces dernie/res. Ils et elles les analysent, les critiquent, les débattent et apprennent à partir d’eux ; ils et elles peuvent à la fois témoigner de l’inconfort que le texte leur a procuré et du texte en soi. C’est pourquoi, dans mon cours d’écriture fictionnelle, je ne pratique pas la censure. Etant donné qu’il s’agit d’un cours d’art, les étudiant/es peuvent choisir de travailler sur n’importe quel sujet, événement ou personnage, et utiliser le langage qui leur semble approprié. Dans le même temps, ils et elles peuvent émettre toutes les critiques, opinions et objections qu’ils ou elles souhaitent apporter quant aux choix qui ont été faits. » (Sarah Schulman, Le Conflit n’est pas une agression, éditions B42, page 88.)
Écrits en Suède, dans les années 40, (mais ce n’est pas une excuse !) les romans de Fifi Brindacier sont pétris de blanchité. Comme la quasi totalité des fictions occidentales, qu’elles soient romanesques ou théâtrales, qu’elles soient datées ou contemporaines – mais ce n’est pas une excuse, non plus… Comment lire, transmettre et rendre jouables certaines scènes de Fifi Brindacier, sans les censurer, sans amoindrir leur réelle charge subversive ET sans se rendre complices de tous les angles morts du white gaze qu’elles contiennent ?
En cerner les biais racialistes et les déjouer, notamment par l’activation de ressorts performatifs ludiques. En cerner les clichés, les archétypes, en explorer les double-fonds et les jouer, les sous-jouer, les sur-jouer pour en faire éclater le sens, politique, que nous voulons. Dans tous les cas, ne jamais aller vers une simplification, toujours vers une complexification des enjeux.
Dans le chapitre 6 de Fifi princesse, les enfants jouent ‘au naufrage’, fantastique activateur d’un ailleurs exotique fantasmé. À partir du point de vue situé de chacun.e, nous vous proposons de partir à l’abordage de cet imaginaire dominant et colonial, toujours bien vivant, et de lui faire prendre l’eau à l’aide d’un jeu de cartes inventé pour l’occasion.