Sweet Sixteen

Devenir plus âgée que ta grande sœur.
Dunya est sur le point d’atteindre un âge que sa grande sœur Dido n’a jamais atteint. Dido trouvait ça nécessaire de mettre fin à ses jours à seize ans. La veille de son exposé sur le suicide, Dunya plonge une dernière fois dans le journal intime de sa sœur. Ensuite, elle va brûler tout ce qui la concerne. Car à quoi servent les leçons de vie de quelqu’un qui n’a jamais su ce que c’est d’avoir seize ans ? À quoi servent les leçons de vie tout court, de quelqu’un qui ne voulait pas vivre ? Dunya est prête à dire adieu à la tristesse de la mort de sa sœur. Elle veut continuer sa vie. Mais soudain, sa sœur est dans sa chambre et toutes deux entament une conversation.
Que se passait-il réellement avec Dido? Sait-elle ce qu’elle a fait à Dunya et à leurs parents ? Pourquoi n’a-t-elle pas demandé de l’aide à Dunya ?

« Le nom de ma sœur est Dido. Elle est morte et elle me manque terriblement. Elle s’est suicidée et je ne comprendrai jamais pourquoi. »

Casper Vandeputte a écrit Sweet Sixteen, un spectacle destiné à être joué dans les classes. C’est un dialogue entre deux sœurs dont l’aînée s’est suicidée. Le public de la classe est témoin de la rencontre émotionnelle de Dunya avec sa défunte sœur, ainsi qu’avec elle-même.

EXTRAIT

Dido
T’aimerais bien ça. Pouvoir te battre avec moi, mais ça ne marche pas, parce que je suis morte. Tu te bats toute seule, contre toi-même.
Dunya
C’est vraiment naze, ce que tu dis.
Dido
Oui oui oui, c’est ça, essaie de me mettre en colère. Ça ne marchera pas, de toute façon, je suis morte.
Dunya est au bord des larmes.
Quoi, tu vas pleurer maintenant ? Qu’est-ce que tu vas faire, tu vas appeler maman et papa ? Tu vas leur dire que je t‘embête. Leur demander encore une fois de régler tout ça ?
Dunya
Je ne pleure pas parce que tu m’embêtes, bitch! Je pleure parce que tu es morte.
***
Dido
Ce qui est nul dans la vie, ce sont tous ces sentiments. Être en colère
Se sentir blessée
Avoir peur, être frustrée
Ou ne pas même savoir ce que tu ressens Tout ça a disparu
Tout est si calme
Si calme
Fini les conneries. Viens près de moi.
Hé, hé, petite soeur.
Hé, pourquoi tu es si triste ?
Hé, ma petite chérie. Viens ici.
Viens t’asseoir près de ta grande soeur.
Viens, je vais te faire des chatouilles.
Dunya s’approche et va s’asseoir près d’elle. Puis Dunya la rejette.
Dunya
Si tu ne peux pas te battre, tu ne peux pas me consoler.
Dido
Laisse tomber.
Dunya
Ca te fait plaisir, sans doute.
De voir ta sœur en train de chialer.
Tu fais la même chose avec maman et papa ? Tu les espionnes pendant qu’ils pleurent ?
Dido
Je voulais juste te consoler.
Dunya
Et à l’enterrement ? Tu as aussi écouté tout ce qu’on racontait ?
Dido
Il y a eu des discours ?
Dunya
Qu’est-ce que tu crois ?
Dido
Allez, dis-moi.
Dunya
Oui, un discours de papa. Ah, tu aurais dû être là pour entendre ça. Mais bon…
***

Sweet Sixteen est un coup de cœur, c’est une évidence de monter ce texte.
En tant qu’adolescente, j’ai été confrontée à plusieurs reprises à la perte de proches par le suicide. Comment vivre avec un deuil pareil, et comment la société autour réagit-elle ?
Le sentiment d’être seule et incomprise était souvent là, mais quelques années plus tard, je me suis bien rendu compte que je n’étais absolument pas la seule à vivre une situation comparable.
Sweet Sixteen de Casper Vandeputte donne des mots à des sentiments qui sont rarement exprimés, il parle d’une manière honnête, fine, drôle, directe et très affectueuse du suicide chez les jeunes. Le texte est fortement axé sur le groupe cible complexe (les adolescentes) où ce sujet est malheureusement trop répandu.
Il met en évidence, d’une manière impressionnante, l’impact qu’un suicide a sur l’environnement d’une personne, il aide à comprendre, et à libérer la parole sur ce sujet difficile.

Le spectacle sera joué dans la salle de classe, il n’y aura pas de scénographie ou de lumière artificielle, je veux travailler une théâtralité proche du réel, où les frontières entre étudiant·es et personnages disparaissent petit à petit. Je souhaite créer au sein de la classe un « safe-space » pour libérer la parole autour de ce sujet difficile et tabou.
Je cherche à montrer une relation de sœurs, l’axe est sur l’affection qu’elles ont l’une pour l’autre. Le texte est la colonne vertébrale de ce spectacle.
Chaque représentation sera suivie par une rencontre éducative avec la classe (prise en charge par l’équipe éducative du Théâtre de Liège, donc pas par les comédien·nes, mais leur participation est souhaitée).

J’aime voir le théâtre comme un moyen de ressentir sa propre humanité.
J’aime quand ça touche, quand ça grince, quand ça pose question. J’aime jouer avec nos contradictions, d’ouvrir la parole, d’élargir les visions et d’avoir une possibilité de créer de l’empathie.

Berdine Nusselder