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Tervuren

Céline Beigbeder

Nkisi © Kendell Geers Twilight of the Idols

En bref

TERVUREN, Tout passe sauf le passé … … Regard sur les traces présentes d’un colonialisme passé

Dramaturgie

Au centre du projet : la salle « rituels et cérémonies » de l’Africa Muséum. C’est une salle remplie d’œuvres, de masques, d’objets à la puissance magique. Originellement, ces objets guérissent, soignent, sont le socle de cultes et de rites. Ils ne sont pas supposés être conservés et exposés dans un lieu clos tel qu’un musée, visibles à tout moment, devant tous les regards. En vitrine, ces objets témoignent des pillages coloniaux et du manque pour celles et ceux qui les ont perdus. J’aime à penser le théâtre comme une façon d’éprouver son humanité, ici il s’agit d’éprouver de l’empathie pour celleux à qui l’on a retiré ces objets et par là, la possibilité de se sentir faire partie de ce « Tout-Monde » (Edouard Glissant) qui nous rassemble.

Enterrer le passé pour le recycler

Le passé est-il enterré ou ne l’est-il pas ? S’il ne l’est pas, il faut le mettre en terre pour qu’il se transforme. Enterrer le passé de façon à ce qu’il soit recyclé, qu’il puisse devenir l’humus des générations futures.

Le fantôme qui se rappelle à la mémoire

Il semble qu’il n’y ait pas de culture humaine qui n’ait déployé de connections entre le monde des vivant·es et celui des mort·es. Si une violence physique ou symbolique a dénoué la ritualité de la mort, le fantôme n’aspire qu’à son remaillage. Il rode, hante et demande réparation. Quand une Europe « victorieuse même dans ses massacres » ne propose pas un récit clair sur son passé sanglant, les fantômes veillent.

Nkisi, statuette de pouvoir

Il se dit des statuettes Nkisi, bardées de clous et de lamelles tranchantes, qu’elles sont autant objet de protection que de maléfice. Une chose est certaine : elles ont du pouvoir. On les retrouve avant, pendant et après la colonisation. Leur exposition dans les musées occidentaux est supposée les rendre inactives et impuissantes, mais qu’en est-il ?

Comment écrire et représenter le racisme ?

Est-il possible de dénoncer le racisme en utilisant ses propres clichés ? Ou l’utilisation de tels codes – même dénoncés – propage-t-elle le racisme ? Héritier·ères malgré nous d’une culture de colons, le projet questionne nos références esthétiques. Il s’interdit les références coloniales. Non pour faire comme si nous avions tout compris, mais pour avoir la rigueur d’un imaginaire hors des sentiers battus.

Le « rire », le « flagrant délit » et le « dialogue »

« Faire rire, c’est faire oublier » la souffrance.  C’est décharger le lecteur du nuage de culpabilité prêt à se déverser. Il serait idéal qu’il puisse prendre sa culture en flagrant-délit de racisme et en rire, sans culpabilité et ce, non par détachement cynique, mais pour pouvoir regarder en face les conséquences sociales actuelles de la traite négrière et du colonialisme.

Matériaux, écriture

Le projet repose sur une base documentaire solide (ouvrages historiques, philosophiques, essais de sociologie, multiples presses, interviews …) à partir de laquelle j’extraie le matériel dramaturgique, de recherche « théorique ». Les problématiques soulevées par la dramaturgie sont ensuite condensées dans des images et des symboles. La puissance poétique de ces images est au centre des préoccupations. J’écris également à partir de l’histoire de mes interprètes pour lier leurs histoires à la grande Histoire. Tervuren est une pure fiction. Les personnages n’y sont pas réalistes. Différentes théâtralités s’y côtoient : parole directe, scènes plus poétiques ou en situations incarnées, et passages plus performatifs. C’est cet échange troublant entre réel et fantastique qui est au centre. Il maintient le public en alerte. Le et la spectateur·rice, hors des rails d’une théâtralité convenue, est « en travail » avec le plateau. La forme globale du texte est celle d’une contre-visite du musée dont le but est de combler ses manques. Il s’agit d’un voyage au travers des salles les plus problématiques de l’Africa Muséum. C’est à partir de cette situation très simple que sont convoquées des figures théâtrales.

Synopsis

Le public est accueilli par une exposition des coutumes européennes et un safari de nos animaux régionaux. Un « renversement par l’humour » qui introduit le spectacle et révèle l’étrange façon que nous avons de regarder l’Altérité sous vitrine. Les comédien·nes se présentent, présentent « l’Africa Muséum », son origine, les raisons de sa rénovation. Le théâtre convoque le rituel et, dans une ambiance de cathédrale, un acteur, François, vient réclamer une danse en guise d’oraison funèbre pour son grand-père. Il nous parle de cet Africain « évolué »* du Congo belge, assassiné après l’indépendance par ses pairs. Après que les mort·es ont été célébré·es et le passé enterré, la visite du musée peut reprendre. C’est Nkisi, la statuette qui guide. Elle met en avant les traces bien présentes d’un colonialisme pourtant passé. En vitrine, elle n’a plus de pouvoir. Elle en appelle à la justice pour organiser son retour au pays, car elle veut revenir à ses fonctions rituelles. Un·e avocat·e de pacotille théâtrale met un bout de papier toilette à son col et rejoint sa défense. Son improbable plaidoirie ressemble à une berceuse chantée par toutes les mères de la terre : une ode à des lendemains réjouissants.

* Le terme « évolué » fut utilisé pour décrire la classe moyenne noire qui émergea au Congo belge entre la dernière partie de la seconde guerre mondiale et l’indépendance, en 1960. Selon Florence Gillet et Anne Cornet, dans leur livre « Congo-Belgique 1955-1965 : entre propagande et réalité », les administrateurs coloniaux définissaient un « évolué » comme “un homme ayant rompu les liens sociaux avec son groupe (et) étant entré dans un autre système de motivation, un autre système de valeurs.” La plupart occupaient des postes qualifiés et bénéficiaient ainsi de menus privilèges.

En pratique

La rencontre professionnelle aura lieu du 08 au 12 février 2021 au KJbi, Rue Kessels 18 – 1030 Schaerbeek.

Premier tour : le 08 ou le 09 février 2021. (un service)
Deuxième tour : le 10, 11 février et 12 février de 10h à 17h. Il est possible qu’un troisième tour s’opère entre le jeudi et le vendredi.

Répétitions (dates à venir)
du 22 février au 5 mars 2021 : 2 semaines de répétitions à la Fabrique de Théâtre
entre janvier et février 22
Représentations (dates à venir)
en mars 2022

A propos de Céline Beigbeder

Portée très jeune par la nécessité de faire du théâtre, je suis rentrée au Conservatoire de Toulouse à 15 ans, puis à Montpellier et Tours où j’ai simultanément étudié l’interprétation dramatique et la danse. Ce double parcours nourrit encore mon travail et a forgé mon exigence quant à l’investissement corporel dans mes spectacles.
A ma sortie, j’ai joué au théâtre et au cinéma pour l’artiste anglaise Maggy Ford. J’ai parallèlement monté une compagnie La Petite Dernière accompagnée de deux ainées, danseuse et pianiste. Dans un souci de perfectionnement, j’ai intégré l’INSAS en section mise en scène en 2007. Depuis ma sortie, j’ai créé deux projets : Sibylle, cabaret kaléidoscopique sur la féminité et Une Europe anorexique, spectacle qui met en lien l’anorexie et le consumérisme occidental. (L’anorexie est la maladie psychiatrique qui présente le plus haut taux de mortalité et est, de ce fait, un réel problème de santé publique). Ces spectacles ont été joués à la Balsamine, aux Riches-Claires, à la Nuit Blanche de Bruxelles … Tervuren sera ma troisième création. Par ailleurs, je joue sous la direction de différents metteur·es en scène : Jean-Baptiste Calame, Sabine Durand, Léa Drouet …  J’ai notamment joué dans Pattern mis en scène par Émilie Maréchal et Camille Méynard, rencontre proposée par le CAS en 2018. J’interviens également pour le théâtre de rue avec la Cie Off (France).

Ma réflexion artistique et citoyenne s’emploie à questionner la hiérarchisation arbitraire des individus, leurs cultures et leurs intelligences : https://www.lafabrique.be/celine-beigbeder

Céline Beigbeder © Marie-Hélène Tercafs

Distribution

Deux rôles sont ouverts aux bénéficiaires du Centre des Arts scéniques.

Mise en scène : Céline Beigbeder
Assistanat à la mise en scène : Capucine Berthon
Lumières : Julie Petit-Etienne
Jeu : Céline Beigbeder, Naomi Fall, François Makanga, Judith Ribardière… (distribution en cours)

Les partenaires du projet sont La Fabrique de Théâtre, L’Espace Magh, Jeunes Textes en Liberté, Festival Lookin’Out. Avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Administration générale de la Culture, Direction du Théâtre ».

Note d'intention

Tervuren est ma troisième création. Je cherche avec ce texte à déceler les traces actuelles de la colonisation dans nos imaginaires. J’y affirme, plus encore que dans mes deux précédents spectacles, mon désir de me défaire de l’imaginaire suprématiste européen du royaume des marchands incultes et des jeux du cirque, pour explorer d’autres idéaux. Le musée de Tervuren était jusqu’en 2013 l’un des derniers musées coloniaux au monde. Il a servi à édicter la hiérarchisation raciale comme règle et a ainsi modifié notre rapport à l’Autre. Conscient de la nécessaire transformation d’une institution créée par le regard colonial en un lieu de culture du XXIème siècle où l’on ne hiérarchise plus les sociétés, l’Africa Muséum ferme ses portes en 2013. Après rénovation, ce musée fédéral réouvre en décembre 2018, et s’auto-déclare « décolonisé ». Si j’ai choisi de m’emparer théâtralement de ce sujet brûlant d’actualité, c’est que je crois urgent de créer de nouveaux récits artistiques sur l’Autre et l’Ailleurs. Des récits qui ouvrent les imaginaires et le débat et suscitent un véritable dialogue symétrique entre les cultures. Tervuren utilise l’humour, la poésie des images et des « corps-racontant » que sont les acteur·rices pour qu’ils puissent susciter chez le public l’envie de parler, de briser le tabou, de se confier. Je souhaite également donner un aperçu de la polémique autour de la restitution des objets rituels – appelés ici œuvres d’art- volés ou acquis lors de transactions léonines pendant la période coloniale : une « discussion complexe dans laquelle seuls les gens qui ne veulent pas rendre gagnent » (Filip Reynstsens – Université d’Anvers / De Morgen, 11.03.19).
Beaucoup des collections de Tervuren ont été acquises illégalement pendant la colonisation du Congo et le musée ne mentionne pas ces vols. En ce sens, la question de la restitution d’une partie de ces objets s’impose légitimement à l’esprit.
Je souhaite que germe dans la tête du et de la lecteurice-spectateurice l’idée que la restitution puisse être la première pierre à l’édifice de la réparation. Et ce, pour que la restitution ne soit pas instrumentalisée par le politique, qu’elle ne soit pas une simple mascarade, mais les prémices d’un monde où Nord et Sud travailleraient à « une éthique relationnelle nouvelle » (Felwine Sarr et Bénédicte Savoy – Rapport sur la Restitution du Patrimoine culturel africain, 2018)

°°° Espérer un monde nouveau, c’est désespérer du seul qui nous est donné °°° Marylin Maeso

Préparation de la rencontre

Le projet comprendra au minimum quatre acteurices (deux rôles à pourvoir), une variation de couleurs de peau et de rapports à la langue. Les rôles d’hommes pourront être joués par des femmes, les Blanc·hes par tout acteur ou actrice, les neurotypiques et les valides par des personnes en situation de handicap … De façon « performative », les rôles pourront être interchangeables tout au long de la pièce. Seront privilégiés : le rapport intime de l’artiste du CAS avec les thématiques soulevées, sa capacité de symbolisation et d’écriture au plateau.

Consciente de la densité du travail demandé, je souhaite vous mettre à l’aise : préparez ce qui est possible pour vous en cette période. L’idée est de faire connaissance, pas d’exécuter une performance.

  • Une présentation scénique de vous-même (ex : quelques mots sur vous, le partage d’une œuvre aimée, votre sensation à la lecture de Tervuren, un texte que vous avez déjà travaillé, une chanson … C’est libre.)
  • Apprentissage du fragment 1 du tableau 2, à savoir 11 courtes répliques dont les 7 premières à avoir bien en tête afin de pouvoir expérimenter ensemble. Nous ferons tourner les rôles. (Propositions de costumes bienvenues.)

Au plaisir de vous rencontrer !

Céline

°°° Nous ne pouvons pas faire comme si (…) nous avions complètement échappé aux griffes d’un héritage dont l’histoire s’étend sur plusieurs siècles. (…) Nous resterons prisonniers de ce passé tant que nous refuserons de reconnaître son influence sur le présent °°° R. A. Plumele-Uribe

Conditions de participation

1. Être inscrit·e au Centre des Arts scéniques, promotions ’17, ’18, ’19, ’20 et avoir publié votre profil

2. Être libre aux dates de travail (répétitions et représentations)

3. Être libre toute la durée de l’audition et arriver à l’heure

4. Avoir lu et accepté de respecter le règlement des rencontres professionnelles

5. Respecter la date de clôture des inscriptions au 24/01 minuit (= 25/01 heure 0)

6. Si vous annulez après le vendredi (17h) qui précède le premier jour de l’audition, il faudra en justifier la raison.

°°° Mon ultime prière : Ô mon corps, fais de moi toujours un homme qui interroge °°° Frantz Fanon - Peau noire, Masques blancs

Lieu de la rencontre

KJBi rue Kessels, 18 à 1030 Schaerbeek
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